Bien-être au travail et intelligence collective

04 décembre 2006

Les points d'appui pour conduire des ateliers thérapeutiques utilisant les Arts de la Scène

(d'après France Schott-Billman, danse-thérapeute)

La scène
Elle est un espace de communication, d'apprentissage, d'exploration, d'action, de création de simulacre, de signes. Tout cela fonctionne comme processus de changement, aboutissant à un remaniement psychique.

Le jeu
Sur scène, on joue. Le jeu est une activité qui se situe entre fiction et réalité. On y fait l'expérience d'un autre temps et d'un autre espace. On y devient un autre. La scène est une zone d'illusion qui n'est pas de l'hallucination. En effet, on ne se prend pas pour le personnage qu'on est en train de jouer. Cet espace se situe entre fantasme et réalité. Il a pour fonction d'articuler ces deux registres entre lesquels il opère un trait d'union. C'est ce qui relie les Arts de la Scène à la psychanalyse. On y découvre qu'on n'est pas seulement le Moi ; le Moi est illusion. On trouvera une vérité dans son masque, dans sa marionnette, dans son clown ou dans sa danse. On y travaille ainsi l'altérité. On trouve de l'autre en soi, de l'autre qui est son propre inconscient.

Les règles
Le je scénique est un jeu codifié. Il a des règles. Au sens Winnicottien, il est "game" et non "play". On ne n'y exprime pas n'importe comment. La scène suppose des contraintes, des obstacles, des limitations. Elle nécessite de prendre en compte des éléments extérieurs et donc de ne pas être dans son pur narcissisme. On doit incorporer, intérioriser ces éléments extérieurs. Il est question de produire des formes qui ne sont pas du pur subjectif mais des formes partageables avec autrui.

Le corps
Il nous amène à des expériences paradoxales. Il faut à la fois une minimum de conscience, d'attention, de retour sur soi (sensations et perceptions) dans un mouvement centripète, et dans le même temps vivre l'expérience de la transe (oubli de soi au profit du personnage qu'on est en train de jouer). On est à la fois dedans et dehors de soi. Il y a passage de l'intériorité (sensations) à l'extériorité (expression). Dans l'expression se forge un véritable langage du corps fait de mouvements, de gestes, de rythmes, de mimiques, … Ce langage se suffit à lui-même dans le cas de la danse ou s'accompagne d'un texte dans la pratique théâtrale.

Le groupe
Le jeu scénique s'effectue en groupe ; ce qui contraint à un perpétuel aller-retour entre dimension individuelle et dimension collective c'est-à-dire une ritualisation. Le jeu en groupe permet d'exprimer les possibilités individuelles tout en l'inscrivant dans un cadre collectif. L'utilisation du groupe est source de plaisir (faire devant, faire avec permet une valorisation de soi) et agent de lien social.

Mais tout ceci n'est rien sans …

L'appropriation
Cette expérience vécue doit être appropriée car contrairement aux Arts Plastiques, les Arts de la Scène ne laissent pas de trace. Il faut donc faire en sorte qu'une trace soit laissée dans le corps. Et pour que cette expérience s'inscrive dans le psychisme, il est nécessaire d'avoir une représentation de soi en train de faire. En d'autres termes, l'énonciation doit être réfléchie (au sens renvoyé par un miroir). L'énonciation est l'interprétation singulière du patient du matériau reçu de la part du thérapeute (partition, texte, chorégraphie, …). Pour cela, il faut du "-re" : relecture, représentation, répétition. Bref, une assimilation. L'inscription se fera par la répétition (filmer puis se regarder, dessiner, chanter, écrire, …).

L'art
Ce langage corporel n'est pas n'importe lequel. On cherche à ce qu'il soit artistique (beauté, harmonie). L'art thérapie c'est l'Art pour quelque chose (soigner). L'artiste doit donc renoncer à sa recherche personnelle c'est-à-dire renoncer à pas mal de son narcissisme. Il devra ainsi déconstruire ce qui est transgressif car le transgressif peut ne pas être thérapeutique. L'efficacité du processus thérapeutique est accrue par l'exigence artistique. Il se trouve, en effet, que les lois artistiques sont également des lois thérapeutiques. Par exemple, l'Art porte la même loi humanisante que celle que l'on trouve en psychanalyse (être dans le lien avec autrui sans être trop proche).
Et, si on ne respecte pas les lois artistiques, l'expression sera ratée et ça, le patient l'accepte beaucoup mieux. La stratégie du détour permet de "caresser" les résistances et d'accompagner le patient sur un processus de changement plus aisément.